Après une longue hésitation, des amis m’ont convaincu de publier mes carnets de voyage. C’est donc ici qu’ils prendront place, au moins ce blog servira à quelque chose ! Ces carnets sont issus des notes que je prends presque quotidiennement en voyage (souvent dans les transports) et relatent les expériences heureuses ou malheureuses, les moments partagés avec les rencontres de passages, les visites etc. C’est ainsi l’occasion pour vous de découvrir ce qui se cache derrière les beaux clichés que je peux ramener. La réalité est souvent plus dure ! Je m’attarde souvent à décrire et raconter l’histoire des lieux et villes que je traverse ainsi que la personnalité des personnes que je rencontre et la vie quotidienne du backpacker.

Que ces récits servent d'expériences à tous les voyageurs itinérants comme moi qui aiment parcourir le monde.

17.6.09

Mesure de la ségrégation communautaire à Belfast

Depuis des décennies les habitants de Belfast ont eu l’habitude de se regrouper par quartier de même communauté, question de sécurité pour éviter la violence. Il n’est pas difficile de savoir où l’on se trouve dans les quartiers en dehors du centre-ville. Si les checkpoints et les miradors ont disparus, les marques d’appartenances transparaissent partout dans la ville à travers les fresques murales destinées à impressionner l’autre communauté.

Mais 10 ans après le Belfast agreement et la fin officielle de la guerre civile, quand est-il de la ségrégation ? Grâce aux sources du centre de statistique Nord-irlandais (Northern Ireland statistics and research agency), j’ai pu cartographier et donner quelques mesures de la ségrégation dans les Wards de Belfast (recensement de 2001). Les wards sont les échelons territoriaux les plus fins en Irlande du Nord (des circonscriptions administratives).
J’ai pris en compte dans mon étude les 50 Wards de la Communauté Urbaine de Belfast (Belgast City Council) et intégré plusieurs Wards au Sud inclus dans l’air urbaine de Belfast : 12 Wards du Castlereagh Borough Council et 5 Wards du Lisburn City Council. L’agglomération s’étend bien plus loin de chaque rive du Belfast Lough et dans le fond de la vallée de la Logan mais les Wards y sont beaucoup plus polarisé par les villes de Hollywood, Newtownabbey et Lisburn que par la ville de Belfast.
Notre étude s’étend donc sur 67 Wards

Une première carte flagrante de la composition religieuse des quartiers, la mixité n’est pas encore de mise dans la capitale Nord-irlandaise !
J’ai choisi le seuil de 85% pour désigner les Wards à très forte majorité mono-religieuse mais le seuil de 90% aurait également pu être très significatif. Je vais les appeler les Wards ségrégués. Le recencement révèle que 192 841 personnes des 332 229 habitants de Belfast vivent dans un Ward ségrégué soit 58% de la population. Le détail montre qu’environ 56% des catholiques et des protestants vivent dans ces quartiers profondément ségrégués.
Les wards que l’on peu qualifié de mixte quand la communauté majoritaire ne dépasse pas 60% représentent seulement 20,7% de la population !
Cependant on peut critiquer la pertinence du découpage des wards pour juger de leur composition religieuse. Des wards peuvent se trouver à cheval sur une frontière ethnique et ne pas refléter la ségrégation à l’intérieur ! L’exemple le plus significatif est celui de Ballymacarrett à East Belfast. Ce Ward est à 50% catholique et 47% protestant, un exemple de mixité me dîtes-vous ? A y voir de plus près le Ward est divisé par un ‘mur de la paix’ divisant l’enclave quasi-exclusivement catholique de Short Strand à l’Ouest, du reste du quartier. Et de nombreuses autres frontières religieuses sont comprises à l’intérieur des Wards. Cependant le tracé des peacewall reprend souvent la jonction entre 2 Wards.

La composition sociale des Wards paraît aussi inégale que la partition religieuse.


J’ai pris pour cela l’indice du taux de chômage dans la population active pour refléter cette tendance. La carte du taux de chômage fait nettement apparaître West Belfast et à vue d'oeil les quartiers les plus ségrégués ! La ségrégation entre les Wards peut-il donner une indication sur le taux de chômage de chaque quartier ? Pour répondre à cette interrogation je vais me livrer à un petit exercice de statistique.
Je vais supposer l’hypothèse : le taux de chômage est indépendant de la concentration des communautés dans les quartiers (hypothèse HO). Pour cela j’établis le graphique du taux de chômage en fonction de la part de la population majoritaire dans chaque Ward.


Le graphique fait apparaître une relation linéaire entre les 2 variables d’équation y=0,128x avec r=0,4883.
Ce résultat de variance calculé doit être testé avec la variance théorique en fonction des degrés de liberté. V= n-p-1 (avec n = nombre de couple et p = nombre de variable explicative). V = 67 – 2 = 65. Avec une marge d’erreur de 1% et un nombre de degré de liberté de 60 la valeur théorique de r est 0,3218. r calculé > r théorique donc je refuse l’hypothèse d’indépendance. Une relation existe bien entre la ségrégation des quartiers et le taux de chômage.

Cependant le modèle comprend de nombreuses exceptions (ou résidu) s’éloignant de cette relation. 2 cas numéroté sur le graphique peuvent-être expliquer autre que par le pourcentage de la population majoritaire dans les Wards.

- le cas 1 est celui du Ward de Ballymacarrett déjà expliqué précédemment. Les délimitations du Ward ne reflète pas la ségrégation à l’intérieur de celui-ci
- le cas 2 est celui du Ward de Shaftesbury, il s’agit du centre-ville de Belfast à la population et aux activités plus diverses que la périphérie.
On peut donc affirmer que les quartiers à fort taux de chômage sont souvent ségrégués (excepté les 2 cas ci-dessus) mais pas l'inverse et que les quartiers mixtes ont un faible taux de chômage.
Une étude plus poussée entre les recensements de 1991 et 2001 (puis bientôt 2011) aurait pu montrer l’évolution de cette ségrégation. Il est pourtant plus probable que celle-ci se soit accentuée depuis une dizaine d’année. Les ‘murs de la paix’ divisent encore largement la ville et semblent loin d’être détruit. Cette solution temporaire qui fut utilisé des années 70 jusqu’aux années 2000 semble maintenant un marqueur durable du paysage.

Belfast Interface Project
Ségrégation en Irlande du Nord, Le Monde Diplo, C. Gouverneur